Les pâtes à la Norma de Catane : l’âme de la Sicile dans une assiette
Si la Sicile était un plat, elle serait sans doute une assiette fumante de pasta alla Norma, un chef-d’œuvre culinaire aussi vibrant que l’île elle-même. Originaire de Catane, ce plat emblématique incarne l’âme sicilienne : simple mais profond, rustique et raffiné à la fois, solaire et dramatique – tout comme l’opéra dont il tire son nom. Prêt pour un voyage au cœur de la Sicile orientale, entre tomates confites, aubergines fondantes et légende culinaire ? Suivez le guide.
Une création inspirée par l’opéra
Le nom « alla Norma » rend hommage à Vincenzo Bellini, compositeur romantique natif de Catane. Selon la légende, un chef local aurait servi ce plat à un critique gastronome, qui, enthousiasmé par sa perfection, s’écria : « C’est une vraie Norma ! », faisant référence à l’opéra le plus célèbre du maestro. Le compliment fit mouche, et le nom resta.
Mais au-delà de l’anecdote, la pasta alla Norma est une déclaration d’amour à la cuisine du sud : peu d’ingrédients, tous locaux, mais traités avec une rigueur quasi sacrée.
Un concentré de Sicile dans chaque bouchée

Le plat repose sur quatre piliers :
- Les aubergines (strictement frites à l’huile d’olive)
- Une sauce tomate à l’ail fraîche et parfumée
- Des pâtes courtes (traditionnellement des macaroni, rigatoni ou penne)
- Et l’élément qui le distingue : la ricotta salata, une ricotta sèche et salée, râpée sur le plat juste avant de servir.
À cela s’ajoute une généreuse poignée de basilic frais, apportant une touche herbacée et un parfum estival. Aucun ingrédient n’est là par hasard : chacun raconte un morceau de la Sicile.
Le rôle sacré de l’aubergine
Dans la cuisine sicilienne, l’aubergine est reine. Mais pour être digne de la Norma, elle doit être traitée avec respect. Oubliée, l’aubergine caoutchouteuse ou trop grasse ! À Catane, on la découpe en tranches fines, on la sale pour qu’elle perde son amertume, puis on la fait frire dans une huile d’olive chaude mais jamais fumante jusqu’à ce qu’elle soit dorée et fondante.
Dans certaines maisons, on préfère des dés ou des lanières, mais la tranche reste le format le plus emblématique – comme un hommage aux gestes anciens des nonnas de Catane.
La ricotta salata : un ingrédient irremplaçable
Ne confondez pas ricotta fraîche et ricotta salée. La ricotta salata est une ricotta pressée, vieillie et salée, au goût prononcé et à la texture ferme, qui se râpe comme un parmesan. Elle apporte au plat une note saline, presque marine, et équilibre la douceur de la tomate et la richesse de l’aubergine.
Certains touristes la remplacent par du pecorino ou de la ricotta fraîche – mais ce serait trahir l’esprit du plat. À Catane, on dit que sans ricotta salata, ce n’est tout simplement pas une Norma.
La recette traditionnelle des pâtes à la Norma
Voici la version la plus fidèle possible, telle qu’on la préparerait dans une maison de Catane, un dimanche d’été :
Ingrédients (pour 4 personnes)
- 400 g de pâtes courtes (maccheroni, rigatoni ou penne)
- 2 grosses aubergines bien fermes
- 700 g de tomates mûres (ou de passata de qualité)
- 2 gousses d’ail
- Une poignée de basilic frais
- 150 g de ricotta salata
- Huile d’olive extra vierge
- Sel et poivre noir
Préparation
- Préparez les aubergines : coupez-les en tranches fines, salez-les et laissez-les dégorger 30 minutes. Séchez-les, puis faites-les frire dans de l’huile d’olive jusqu’à ce qu’elles soient dorées. Égouttez-les sur du papier absorbant.
- La sauce : faites revenir l’ail émincé dans un filet d’huile. Ajoutez les tomates pelées ou la passata. Salez, poivrez, laissez mijoter 20 minutes avec quelques feuilles de basilic.
- Faites cuire les pâtes al dente dans de l’eau bouillante salée.
- Mélangez les pâtes avec la sauce chaude. Ajoutez les aubergines, gardez-en quelques-unes pour la présentation.
- Servez chaud, avec des lamelles de ricotta salata râpée et quelques feuilles de basilic frais.
Une tradition vivante à Catane
Aujourd’hui, la pasta alla Norma est plus qu’un plat : c’est un symbole identitaire. À Catane, chaque famille a sa variante : certains ajoutent une touche de piment, d’autres parfument l’huile avec un peu d’origan. Mais tous s’accordent sur l’essentiel : la Norma ne se triche pas.
Le plat est tellement sacré qu’il est parfois servi lors des fêtes religieuses ou familiales. Et dans certains restaurants de la vieille ville, on jure encore que la meilleure Norma ne se mange pas, elle se vit.
Pourquoi la Norma séduit encore aujourd’hui ?
Parce qu’elle coche toutes les cases de la gastronomie méditerranéenne :
- 100 % végétarienne
- Ingrédients simples et locaux
- Temps de préparation raisonnable
- Saveur intense et réconfortante
C’est aussi un plat instagrammable à souhait : rouge éclatant de la sauce, violet profond des aubergines, blanc poudreux de la ricotta salée… Il n’est pas rare de voir le hashtag #PastaAllaNorma exploser chaque été, quand les foodies affluent en Sicile.
La Norma, bien plus qu’un plat
Derrière cette assiette apparemment simple, il y a l’histoire d’un peuple, l’expression d’un terroir, et l’élégance d’une tradition. Elle n’a jamais eu besoin d’artifices ni de revisites pour séduire : son authenticité suffit.